D’où les femmes sont bonnes en cuisine sauf quand c’est payé?

Tu vois ça, ça me rend dingue. Je vais passer sur le concept de Fête des Mères, déballage de l’indécence capitaliste et prétexte à l’hétéronormativité la plus crasse, pour m’attarder sur un autre de ses aspects fétides : le sexisme décomplexé que cette journée présente sous un jour bienveillant. En mode « regaaarde on célèbre la vie et les mamans, tu vas quand même pas critiquer ça, c’est avant tout un hommaaage » Mais oui, tout comme l’hommage que les dirigeant.es livrent avec condescendance de leur balcon tous les soirs à 20h, bravo les héro.ïnes par contre démerdezvousmercibye.

Ça donne par exemple ce genre d’aberration : l’article «Etoiles de mères (Argh, I know…) : Quatre mamans de chefs nous livrent une des recettes qu’elles leur ont apprises». Un des articles TYPIQUES de cette bien belle journée, qui célèbre des hommes pour leur parcours professionnel en renforçant leur chère maman dans leur rôle domestique, ici à renforts de «l’importance de l’influence maternelle, même inconsciente, dans l’art culinaire». Sexisme nauséabond sur son lit de foutage de gueule, qui veut? (Check la précaution oratoire qui te dit que même si tu t’en rends pas compte, si si, ça existe. Ils ont lu une étude là-dessus un jour, ils savent plus bien où mais, si si. Chut.)

La cuisine c’est un de ces domaines par excellence où le sexisme se tartine bien de mauvaise foi et de justifications improbables, pour arriver comme une fleur à la conclusion que les femmes, elles s’épanouissent mieux à l’intérieur quand même. Qu’est-ce qu’elles font ça bien prendre soin des autres, de la maison, toussa toussa, waouw c’est vraiment leur kiff hein. Ce travail domestique, je le rappelle, consiste notamment à prendre soin de la main-d’œuvre et fait donc tourner l’économie, mais rapporte que dalle. C’est un travail gratuit. Enfin, gratuit, comme j’y vais : c’est un travail payé en fleurs, en jolis dessins et en Fête des Mères. Et en bonheur d’être maman, bien sûr. Ne jamais revenir là-dessus. Pour te faciliter la vie, les factures, le travail et la santé, meeeh ça va être compliqué dans la conjoncture actuelle. Mais par contre waouw, merci hein.

Pioché sur Pépite Sexiste, la page qui démonte
le sexisme ordinaire en marketing

Ce truc est pernicieux as fuck, parce qu’on nous vend ça avec un sourire et une tape dans le dos, genre on doit être contentes en fait, que vous partiez du principe qu’on repasse mieux que vous ? Faut le dire combien de fois, qu’on nage en pleine socialisation genrée là ? Les rasoirs roses (plus chers hein, autant nous défoncer sur tous les plans après tout), les t-shirts « Je suis une pipelette » vs « Je suis un petit génie », la dinette étiquetée « filles » et le bateau de pirate étiqueté « garçons » ça te met pas vaguement la puce à l’oreille des fois ? (exemples réels, si si j’te jure, check Pépite Sexiste)

Arrêtez de valoriser le travail domestique comme une vertu féminine, tout en le dévalorisant dès qu’il faut nous payer pour le faire, bordel de cul. Comment faut l’dire? Aller quoi, tant que le lien avec la sphère domestique est clair c’est les meilleures cuisinières du monde et on les remercie 1000x d’avoir formé des fils si admirables, mais dès que les femmes veulent se professionnaliser, on apprend qu’en vrai on cuisine avec ses couilles ?! REALLY ? Tu sais combien y’a de restos étoilés en Belgique aujourd’hui ? cent trente. Tu sais combien de cheffes là-dedans ? Quatre. Sur les 50 Best (un classement qui reprend chaque année les cinquante meilleurs établissements, un genre de Michelin british), il y a cinq femmes. Et trop mignon, dedans y’a un prix de la « world’s best female chef », comme on a des femmes footballeuses ou des femmes pompiers. Bien comprendre que c’est ni des footballeuses, ni des pompiers, ni des cheffes. C’est des femmes avant tout. En France, le Michelin se sent plus et se félicite de sa faramineuse progression : 16% de femmes sur les nouvelles entrées au Guide. Yay. Faut dire qu’en 2016 y’en avait zéro. Puis l’année suivante une. Puis l’année suivante deux. Ah bah oui ma grande, tu apprends la patience face au sexisme, ou alors tu vas apprendre le racisme à Un Dîner Presque Parfait, make a choice.

C’est pas célébrer les mères, ça : tu crois que c’est les mamans qui profitent de cette jolie publicité dans le Vif, ou alors on peut imaginer que le fait qu’on trouve l’adresse du restos des quatre chefs, un lien vers leur site et que c’est eux qui prennent surtout la parole (dans le premier portrait de maman, par exemple, ladite maman a droit à une phrase, qui dit qu’elle admire son fils. Subtil les gars) est en fait un beau coup marketing pour leur établissement ? Alors les coups de fil des copines pour dire « waouw je t’ai vue dans le journal, ta recette a l’air top », c’est cool, mais la reconnaissance symbolique, ÇA VA BIEN MAINTENANT, NON?!

Quitte à vouloir fêter les mères une fois l’an, dans les femmes qui ont atteint ces postes, y’en a pas qui ont une maman aussi, par hasard, pour l’article ? Et dans les cheffes, y’en a pas qui sont mamans des fois ? Ah et elles disent que c’est galère ? Ah et du coup ça fait pas joli sur ton article ? Moui en fait c’est ça mon propos. La meilleure façon de célébrer les warriors qui sont mères, ce serait pas de leur témoigner un peu de respect en acceptant de parler de ces fucking barrières structurelles? (terme englobant très pratique sur lequel s’épancher en toute quiétude car en l’état il ne dit rien, et qui recouvre en fait une réalité bien palpable qui va des violences gynéco, à l’heure fixée pour les réunions importantes, en passant par une myriades d’injonctions contradictoires et autres bullshit qui rendent la santé mentale et physique des mères directement dépendante de leur accès à des ressources financières, relationnelles, informationnelles, familiales, etc. Check donc Bidonnes)

Ce qui m’enrage encore plus, c’est que dans cette période fucked-up de confinement, t’as juste à tendre l’oreille, encore moins que d’habitude, pour entendre les inégalités de genre, qui passent notamment et de façon douloureuse par le rôle intenable qu’endossent énormément de mères dans ces circonstances où on pète tou.te.s un câble, déjà, de base (coucou Confinement Coupable). Ça rend votre mépris encore plus indigeste, alors que fuck, on part déjà pas sur une base de ouf.

Le problème, comme d’hab, c’est pas que des femmes adorent repasser, faire à manger, nettoyer, s’occuper des enfants (de mon côté c’est passion séchoir, on choisit pas), c’est que c’est… Tou.te.s ensemble… une INJONCTION. Qui a des ramifications qui prennent bien leurs aises dans notre société. On nous montre le même chemin de mille manières avec la même insistance écoeurante qu’un mec qui pousse ta tête l’air de rien quand il veut une pipe. Le marketing genré c’est ça, dire que « t’aide » ta meuf à ranger c’est ça, célébrer dans le même article, pour la Fête des mères, les femmes qui cuisinent bien chez elles et les hommes qui cuisinent bien en dehors, c’est ça.

PS: Aux mecs à qui il prendrait l’envie de raconter que chez eux, c’est eux qui cuisinent : 1/ MAIS FERME TA GUEUUUULE, non? 2/On s’en fout, t’as pas idée, 3/il dit qu’il voit pas le rapport, et 4/Apprenez à vous coller vos gommettes tout seul, c’est fatigant c’t’histoire.

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