Bingo time: « Je suis un homme donc mon avis ne compte pas, c’est ça? »

Se prononce aussi : «D’t’façon les féministes supportent pas d’être contredites par un mec» / «D’où ma parole vaudrait moins que celle d’une meuf #sexismeinversé» / «On nage en plein womansplaining, non mais je rêve»

Contexte : J’essaye juste de donner MON avis sur TON expérience des violences gynéco. Quoi ? C’est parce que chu un mec ?


T’as voulu donner ton avis et tu t’es fait rembarrer de fou? Alors que personne t’a jamais reproché de pas être pertinent? Alors que toi, oh ça va, tu voulais juste aider? Alors que l’égalité des sexes c’est tellement ta passion que tu joues l’argu à l’instinct, t’as même pas besoin d’ouvrir un livre?

OK, écoute crevons l’abcès : quand on parle de sexisme, oui, ton avis compte moins dans un premier temps. Allez viens, je t’explique pourquoi, tu bouderas plus tard. Bien souvent (mais pas toujours) c’est pas tant le fait que tu interviennes qui fait chier, que la manière de le faire. Pourquoi?

Parce que, soyons honnêtes, on t’entend déjà beaucoup

Alors si en plus on doit se taper ton point de vue sur notre vie (que tu nous donneras bien à une autre occasion), on n’est pas rendues. Des médias aux tribunaux en passant par ta dernière réunion Zoom, les mecs parlent plus souvent en premier, interrompent plus et (duh…) parlent plus. Du coup le faire quand on est en train de parler du système qui t’autorise à le faire, c’est un peu du méta-foutage de gueule. Et en vrai même si t’as toujours un truc à dire, ledit truc est pas toujours foufou de pertinence. Non, jte jure. Mais on n’est peut-être pas super raccord sur la notion de pertinence. Oh ! C’est mon point suivant.

Parce que c’est pas toi qui sais

Subir l’oppression au quotidien nous offre une certaine forme d’expertise en la matière stu veux. Un genre de superpouvoir du seum. La gloire de la loose. Et tes commentaires ont tendance à remettre en question nos vécus plutôt qu’éventuellement faire l’effort d’essayer de les comprendre. Tu sais ce mec ultra chiant en débat qui lève la main mais «c’est plus un commentaire qu’une question»? Voilà. Et tu n’apportes pas grand-chose au débat quand t’as décidé tout seul que tu sais mieux 1/sans avoir vécu cette oppression (petit point sémio : rappelons qu’observer n’est pas vivre), et 2/sans avoir pris la peine de prendre connaissance de quoi que ce soit de la masse de littérature qui existe sur la question. Bah oui mais non.

Parce que c’est toi le problème

Ouille, that escalated quickly, non? On touche dangereusement à la question des féministes qui détestent les hommes, donc je t’invite à aller lire mon post sur la question avant de nous faire une combustion spontanée d’effarement. En résumant très très fort : si on regarde le système entier (donc pas toi, individuellement, et la journée pourrie que toi aussi tu as peut-être eue), en tant que mec, on peut dire que tu domines. Du coup, ton sarcasme, ta suspicion, ta mauvaise foi, ta condescendance et autres reflets de tes insécurités en premier rempart aux arguments, ça fait grincer des dents et alors on prend cet air que t’aimes pas, comme si on avait senti un prout.

Parce qu’on te parle pas d’un poil incarné, mais de notre oppression

En fait nous quand on te parle de sexisme, on te parle pas d’un concept (sauf quand on te parle d’un concept) : on te parle de notre vie, de ce dont on fait l’expérience, de ce qu’on connait dans notre chair. Du coup ça demande un poil d’empathie de ta part si tu veux t’exprimer là-dessus. C’est pas nécessaire de nous parler comme si on était en sucre, juste faire gaffe à pas parler comme un connard étant donné que tu parles de ce que quelqu’une vit, et pas toi. (Statistiquement y’a au moins une personne qui a appris avec ce post le concept de poil incarné, non?)

Parce que tu détournes le débat

Exemple typique : « y’a aussi des hommes battus, et ça on n’en parle pas, et les hommes violents ont aussi besoin d’aide » dès qu’on parle de violences conjugales. Oui, c’est crucial, vraiment, il faut des gens là-dessus. Fonce, parce que la vérité c’est que je suis certainement pas la mieux placée pour réfléchir à comment on pourrait prendre soin des hommes violents. J’aurais pas des idées très productives. Donc moi je parle pas de ça. Mais toi, avec toute cette conviction, t’as pas envie d’aller commencer ton propre débat, ailleurs? Non? C’est ballot parce qu’en fait vu de l’extérieur ça donne un peu l’impression que tu veux parler de ça que quand nous on veut parler de sexisme, dis donc.

Ceci étant dit, en vrai je pense que t’as ton mot à dire.

En vrai j’adorerais que plus de mecs prennent la parole sur ces questions. J’ai une réelle admiration pour les mecs qui se mouillent, qui cherchent à comprendre, qui assument leur part. En vrai j’ai envie que tout ça t’intéresse, et je comprends la difficulté de se départir de réflexes qui sont par ailleurs valorisés, et d’acquérir des compétences qu’on n’a pas été socialisé.es à développer. Du coup tsais quoi, moi jsuis cool comme ça, jte fais une check-list.

  • Te défends pas si t’es pas attaqué personnellement, le #NotAllMen c’est so 2018. Si tu es attaqué personnellement, demande-toi si la meuf dit vrai. Je te fais gagner un peu de temps : elle dit vrai. Le but est pas de décider si toi tu as vécu ce qu’elle te reproche comme étant sexiste, mais d’entendre qu’elle l’a vécu comme étant sexiste.
  • Avant de parler, écoute, bordel, apprenez à écouter sans directement vous dire qu’on manipule, qu’on exagère ou qu’on fait notre intéressante. Juste écoute quoi.
  • Cherche pas à régler le problème si on te le demande pas. Je te raconte pas ma rage face à mon collègue qui commente ma tenue pour que tu solutionnes ma vie. Sur ces sujets (et ça marche sur plein d’autres, et dans les deux sens), tente un « waouw, ça a l’air dur, je comprends que ça t’énerve » et regarde ce que ça fait.
  • Humilité mec, hu-mi-li-té. Si t’as un besoin impérieux d’ouvrir ta grande gueule pour pas changer, tu évalues la pertinence de ce que tu vas dire, tu nous vires ce petit air assertif et tu attends que les meufs présentes se soient exprimées (même si ce qu’elles expriment c’est qu’elles n’ont pas envie de parler).
  • Si y’a un truc que tu veux réellement comprendre, mais trop chouette ! Par contre, la meuf en face a pas forcément l’espace/l’envie de te répondre. Est-ce qu’elle a juste besoin de raconter un truc, ou est-ce qu’elle est dispo pour te faire un cours? Comment savoir? Comment comprendre ces créatures cryptiques et mystérieuses que sont les fêêêmmes? FUCKING ASK HER. Et si c’est non, tu demandes à Google (ou à Bing, si t’es ce genre de weirdo ❤️).

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