D’où t’as encore confondu égalité et inégalité (oh bah zut)?

Il semblerait qu’il y ait confusion dans la tête de certain·es petit·es distrait·es ces jours-ci, qui ont encore confondu patriarcat et distribution d’oursons Haribo. Ah oui parce que jouer à l’égalité pour du semblant ça se voit, en fait. Mais oui. So ballot, je sais.

Et gnagnagna que les réunions entre personnes racisées, si c’était des réunions juste entre blancs ça passerait pas pareil hein, et gnagnagna que c’est dans l’ordre des choses que la ville de Paris se tape une amende parce qu’Anne Hidalgo a engagé plus de femmes que d’hommes, et gnagnagna que laissez Shia LaBeouf tranquille, OK il a été violent envers ses anciennes compagnes, mais il est désolé, qu’est-ce que vous voulez… Mais vous allez arrêter de nous irriter le colon avec vos bêlements? Si au moins vous étiez cohérent·es je lâcherais l’affaire, mais là vous vous sentez plus dès qu’on avance d’un micron, tout en justifiant vos indignations par la valeur-même qui semble pourtant vous répugner : l’égalité.

Donc let me blow your mind : le sexisme, le racisme, l’homophobie, la transphobie, le validisme, la grossophobie, c’est pas l’égalité en fait. Mais oui, je sais, moi aussi au début j’étais confuse. En fait, non, c’est précisément l’inverse : ce sont des formes d’inégalité (qu’on ose encore me dire que je fais pas de pédagogie sur ce blog). Ce sont des façons de désigner le fait que des groupes sociaux entiers sont désavantagés d’emblée dans notre bien belle société.

Et toi tu veux pouvoir pointer fièrement du doigt quand tu reconnais une inégalité (« j’vous ai déjà raconté comment je trouvais que le sexisme c’est trop mal? ») et en même temps trouver que traiter tout le monde de manière identique, c’est quand même bien plus chouette. Sauf que quand tu prends une situation inégale et que tu la traites comme une situation d’égalité, t’as l’air au mieux de pas savoir de quoi tu parles, et au pire de troquer tes idéaux en carton pour de la mauvaise foi puante dès qu’il s’agirait de desserrer l’emprise sur tes privilèges.

Parce que vouloir traiter de façon égalitaire deux groupes en situation d’inégalité, c’est un peu une définition du sur-place stu veux. Comment dire ça plus clairement… Imagine un groupe avec 2 petits lapins, et un groupe avec 5 petits lapins. Si j’ajoute 1 petit lapin dans chaque groupe, y’a toujours le même écart entre les petits lapins, tu vois comment ? Donner aux dominé·es d’un système les mêmes obstacles et avantages que les dominant·es de ce même système n’a de sens que si ton souhait est de maintenir la situation inégalitaire que toutes tes précautions oratoires annoncent pourtant combattre.

Je vois ton air concentré, l’esprit constipé par tant d’informations surprenantes, laisse-moi te donner un exemple. Trouver logique qu’on foute une amende à la ville de Paris pour avoir engagé plus de femmes que d’hommes parce que « on avait dit 40% minimum de chaque sexe », ça n’a aucun sens. Enfin si, mais pas le sens que tu espères avoir l’air de défendre, tout drapé de bonté que tu es. Cette attitude tiendrait la route si on partait effectivement d’une situation d’égalité, dans laquelle les hommes ne gagnent pas en moyenne plus d’argent, n’occupent pas massivement les positions hiérarchiquement élevées, subissent à part égale les obstacles liés à la parentalité, s’occupent à part égale du travail domestique, etce-fucking-tera (car la liste est encore longue).  

Or ça n’est pas ça, la situation initiale. Donc chialer à l’inégalité sur ces questions-là revient tout bonnement à pinailler sur les 2-3 situations ponctuelles et isolées dans lesquelles les dominant·es n’ont pas la main. Ça va les enfants-rois ? 90.000 balles de dédommagements pour un égo qui encaisse rien.

Alors si ton objectif est d’être insultant en faisant la gueule sur ces questions, on est bon. Si tu cherches en revanche à défendre des valeurs d’égalité et de solidarité, va falloir t’imposer une remise en question de fond en comble. Enfin si, comme je le suppose de toute ma perfidie militante, ton but est de tenir un discours d’égalité pour avoir l’air so nice, mais que faire le strict minimum du taf c’est quand même plus confortable, je me permets de te prévenir : ça commence à se voir. Et tu sais quoi? Du sexisme par paresse n’en reste pas moins du sexisme.  

Et alors ce qui est rigolo quand t’as compris ça, c’est que tu peux à ton tour y jouer tout·e seul·e chez toi, et appliquer ça à tout ce qui traverse ta tête, pour être bien sûr que tu as toujours envie que ça sorte de ta bouche. On essaye? « Holala, la non-mixité entre personnes racisées c’est vraiment comme qu’on dirait du racisme inversé ». Tututut papillon. S’agit-il d’une situation initiale déjà insolemment largement en ta faveur ? Oh bah ! On dirait bien que oui ! Te plaindre de cette situation ne reviendrait-il pas à imposer ta propre panique à l’idée que tout le monde, toi inclus·e, se rende compte, un jour, que ta présence n’est pas pertinente partout tout le temps ? Aller, un câlin et on n’en parle plus.

L’égalitarisme ainsi prôné tient d’ailleurs de la même condescendance que les discours universalistes, qui s’agacent de ce que les minorités s’entêtent à insister sur les différences qui les foutent dans la merde (les imbéciles), plutôt que sur nos merveilleux points communs (l’appartenance à la Race Humaine avant tout), ou à la rigueur sur nos différences comme des cadeaux, des richesses qui nous permettraient d’avancer main dans la main, dominé·es et dominant·es, vers le soleil couchant sur « We are the world », si seulement les discriminé·es voulaient bien la fermer deux minutes.

Alors il est plus simple de prendre avec le sourire des oppressions qu’on ne subit pas soi-même, certes. Mais entre un égalitarisme de statu quo et un universalisme qui n’est optimiste que parce qu’il est opportunément aveugle, l’honnêteté exige d’au moins ne pas (te) faire croire que tu fais partie de la solution.

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4 réflexions sur “D’où t’as encore confondu égalité et inégalité (oh bah zut)?

    1. Tout à fait, car j’entends bien que vous vous sentez agressé, et que cette agression semble à vous yeux nécessiter de vous défendre. Ce qui me questionne, c’est précisément le fait que vous viviez nos appels à l’égalité comme des agressions. Il est normal et légitime que nous soyons en colère. Et l’inégalité ambiante, notamment le sexisme, pourrait vous mettre en colère également. Mais non. Les hommes dont je parle ici préfèrent rester dans leur crispation initiale, et se plaindre qu’on ne demande pas l’égalité suffisamment gentiment.

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  1. moui moui moui..
    Bon, une féministe qui se plaint que les hommes « chouinent », c’est un peu l’hopital qui se fout de la charité, non?
    Parce que là, niveau performance, on s’estime largement battus dans ce domaine précis. Aucune contestation, les filles: vous êtes les plus fortes.
    Enfin, bon…
    PDO

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    1. Oui enfin les féministes se plaignent des inégalités, les hommes dont il s’agit se plaignent du fait qu’on se plaigne des inégalités. Donc en termes de performance je crois que si si, vous vous défendez bien.

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