Après m’être auto-décerné l’Oscar du titre le plus flemmard du monde, j’aimerais me pencher sur le cas James Darle, accusé de viol, et la demande insistante qu’on lui foute la paix parce qu’il s’est excusé.
James Darle, membre du groupe Salut C’est Cool, a révélé publiquement qu’il était accusé de viol, d’après lui, sur demande de la victime. Avant toute chose : les autres membres du groupe ont réagi au message en question, précisant notamment que « le contenu de son message n’est aucunement approuvé par la victime » (une donnée qui devrait déjà convaincre tout le monde quant au caractère pour le moins foireux du message), et que « sa version des faits est inexacte, n’aide personne à part lui-même et ne remet pas du tout en question sa position ». Je plussoie, mais massivement. Voici pourquoi.



J’aimerais clarifier un truc d’emblée : vous dire que non, effectivement, on sera jamais contentes. Vous êtes là à vous agiter dans votre agacement que décidément, c’est à croire qu’il y a pas de bonne façon d’écrire des excuses pour avoir violé. Vous vous rendez compte ? Non, il n’existe pas de manière idéale, parfaite, ni même satisfaisante, de s’excuser de ça, non. On ne s’excuse pas d’avoir violé. Les excuses peuvent être nécessaires dans certains cas dont la latitude doit être laissée à la victime. Mais elles ne compensent rien, jamais, comment voulez-vous.
Je m’inquiète d’ailleurs, considérant certaines formulations des derniers messages de ce type qu’il nous ait été donné de lire, considérant aussi les commentaires à ces messages, appelant à calmer notre colère, que quelque chose vous ait donné l’impression que l’enjeu était là : écrire de belles et convaincantes excuses quand on a violé. Plutôt que ne pas violer.
Parmi les éléments les plus problématiques du message, un retient particulièrement mon attention : la tendance classique à ne pas qualifier correctement les faits (« rapport », « rapport sexuel », le mot « viol » n’étant utilisé que dans la phrase « elle estimait que je l’avais violée ») est ici renforcée par tout un registre lexical dégageant l’agresseur, de l’identification de l’agression. Je m’explique : « contrairement à mes souvenirs », « pour moi consenti », « sans que je le sache », « avec le recul », « elle estime que », le tout compacté dans une seule phrase, la seule qui expose la situation dont il s’agit, sont autant d’occasions de laisser la porte ouverte à l’idée, dont je comprends certes qu’elle vous arrange, que le consentement ne serait qu’une affaire de mauvaise communication, de maladresse, de quiproquo.
Alors bien sûr, la communication est essentielle, apprendre à s’entendre (aussi au sens littéral) en matière de cul est crucial, mais formuler les choses de cette façon évacue fort opportunément ce que sait tout·e étudiant·e inscrit·e depuis 10 minutes en études de comm : la communication c’est pas qu’un émetteur, c’est aussi un récepteur. Or, utiliser de telles formulations, en tel nombre, en une seule phrase, laisse entendre, d’une part, que c’est la victime qui aurait mal communiqué (d’après ses standards à lui), et d’autre part, que c’est uniquement la victime qui qualifie et comprend la situation comme un viol, d’après des critères incertains, voire capricieux.
C’est non seulement abject, mais aussi une façon très efficace de jeter le doute, dans un type d’affaire qui n’a jamais besoin de ça. C’est savoir que la parole de la victime ne sera jamais entendue telle quelle, prise au sérieux telle quelle, et lui donner le petit kick nécessaire pour être bien sûr que ce sera le cas. Abject.
Tout en se donnant le joli rôle au passage, celui du mec qui a fait tout ce qu’on lui a demandé (sauf ce qui aurait permis d’éviter tout ça, mais c’est visiblement un détail), qui en fait la promo, et se paye de luxe de nous faire croire que le viol peut aussi être une belle une occasion de grandir. Pour l’agresseur, s’entend.
Et James de clôturer son message en expliquant tout ce que cette situation lui aura apporté en termes de prise de conscience et d’apprentissage, enjoignant chacun·e à la discussion et à l’apaisement, prenant ainsi sans sourciller la position de violeur donneur de leçon. On ne se débat pas toustes pareil avec sa dissonance cognitive.
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